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Photo du rédacteurMaurice Coton

Folle est la lame

Encore un poème, en est-ce un ou plusieurs ?, qui ne brille pas par sa clarté. Il date d'un temps où je me laissais emporter par les vagues d'un langage en pleine effervescence dans mon esprit en proie à un hermétisme tentaculaire. C'était ma manière de déjouer des plans, de fausser des pistes, de m'aventurer par le truchement d'une poésie en construction. Devant le non-sens du monde que je percutais de plein fouet, mes attaches à l'enfance me servaient d'élastiques pour rebondir dans un autre univers de mots étoilés, rien que juxtaposés. Du moins c'est l'illusion que je cherchais. J'avais regroupé les textes de cet ordre dans un recueil intitulé Montjoie, mot disparu du vocabulaire qui me plaisait d'autant mieux qu'il dénommait une sorte de borne ou monticule en pierre censé indiquer une direction. Le poème Folle est la lame se lit d'une traite, sans tergiverser. Folle est la lame qui emporte, éperdue celle qui implore. Un jour de tempête sans doute, j'allais ainsi au sauvetage de ma condition enfantine.


FOLLE EST LA LAME


Aux traditions qui prennent toute la place revient l’éternelle question : se peut-il que je sois seul ?

Le cirque et les westerns ont les suffrages des enfants. Malheur à l’adulte qui donne des explications !

Chercher son bonheur, rêver par soi-même, laissent croire qu’un orage a tout effacé, que les délais sont écoulés pour notre quartier libre.

Aller au spectacle était une occasion de se promener entre familles du même bord, d’établir des projets de courte durée, avant que la marée des clowns ne vienne nous balayer.

Ma destinée, par rapport à la séparation qui en résulte, parce qu’elle m’invite de nouveau, sans que je réagisse, à me conduire aux cirques et westerns, en ma qualité de spectateur d’une enfance dépassée, anonyme et précaire, m’accorde un répit.

Monter d’un cran. Eternelle rengaine que je ne franchis pas.

A mon corps défendant, il l’a fallu pourtant, sans me soumettre ni divorcer, et chaque étape était une nouvelle fracture, un arrachement.

Hélas, j’ai sans doute préservé l’essentiel de ma condition enfantine, contre laquelle on ne peut rien. Par ailleurs, j’ai gâché ce qui m’aurait plus tard beaucoup servi, à savoir des dons de formule.

Si mes idées diffusent une clarté approximative, quoique tangible, elles se gavent d’imprudence. J’en avale la gastronomie pour qu’elles me raisonnent et, à la saison, se renouvellent.

L’homme qui se mesure à son étoile fait son rire comme un brin de toilette, son plaisir comme l’aumône.

A ma façon je tourne le problème, j’en pratique l’estuaire, je tente l’inexpérience dont on sait la fin, entre autres fouilles.

Folle est la lame quand elle vous emporte, mais éperdue quand elle vous implore.



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